Le naufrage du Joola : retour sur l’une des plus grande tragédie maritime de l’ère contemporaine qui a coûté la vie à 1863 personnes il y a 23 ans.
Le 26 septembre 2002, le MV Le Joola, un ferry sénégalais, sombrait dans une des pires catastrophes maritimes civiles de l’histoire. Près de vingt ans après, les blessures sont toujours vives, et beaucoup de questions restent en suspens. Retour sur le dernier voyage du navire et sur le drame qui a marqué le Sénégal, l’Afrique, et profondément les familles des victimes.

⭐Le contexte : une liaison vitale mais fragile
Le Joola assurait la liaison régulière entre Ziguinchor, en Casamance, et Dakar, la capitale. Bien plus qu’un simple moyen de transport pour les passagers, il constituait un véritable lien vital entre la Casamance et le reste du pays, séparés par la Gambie.
À cette époque, la Casamance était, et reste encore aujourd’hui, une région partiellement isolée. Dans ce contexte, le ferry apparaissait comme la solution la plus sûre et la plus pratique. Mais cette importance se traduisait aussi par une surcharge quasi permanente, le transport routier étant jugé trop risqué, trop coûteux ou simplement impraticable.
⭐La dernière traversée du Joola
Le jeudi 26 septembre 2002, en début d’après-midi, vers 13 h 30, le Joola quitte Ziguinchor. À bord, l’affluence est considérable. La rentrée scolaire et universitaire attire de nombreux passagers de Casamance qui souhaitent rejoindre Dakar.
Le nombre de billets officiellement vendus ne correspond pas à la réalité. En plus des passagers enregistrés, bien d’autres montent à bord. Selon l’enquête française, près de 1 928 personnes se trouvaient sur le ferry, alors qu’il était conçu pour transporter environ 580 à 600 passagers. À cette surcharge humaine s’ajoutent des marchandises variées : véhicules, camions, frigos roulants, pick-up. Plus de vingt tonnes de cargaisons, mal arrimées, encombrent la soute et le garage.
🚢Après un premier arrêt à Karabane, à l’embouchure de la Casamance, où d’autres voyageurs embarquent, le Joola met le cap sur Dakar. Il s’engage alors dans les eaux agitées qui longent la Gambie. Le dernier contact radio avec la capitale a lieu aux alentours de 22 heures.

🚢Un peu plus tard, entre 22 h 30 et 23 heures, un violent grain tropical éclate. Les vents soufflent fort, atteignant selon certains témoignages près de 65 km/h, et la mer devient houleuse. La plupart des passagers, massés sur les ponts ou dans des zones exposées, cherchent un abri. Beaucoup se déplacent sur tribord, ce qui accentue le déséquilibre du navire. Dans le même temps, les marchandises mal fixées glissent, aggravant la gîte. Les portes de la soute arrière et plusieurs hublots ne sont pas correctement fermés.
🚢En quelques instants, le ferry s’incline brutalement. L’eau s’engouffre, et le navire se retourne, quille en l’air. Le chavirement est d’une rapidité effrayante : certains témoins parlent de moins de deux minutes, d’autres de quelques minutes à peine.
⭐Le bilan humain et matériel
Le bilan officiel fait état de 1 863 morts et disparus ( plus que le Titanic). Seules soixante-quatre personnes ont survécu à la catastrophe. Parmi les victimes figuraient des femmes, des enfants, des militaires, des commerçants ou encore des étudiants. Beaucoup n’ont jamais été retrouvés, laissant leurs familles dans une douleur interminable.

Aujourd’hui, le Joola repose toujours à une vingtaine de mètres de profondeur, dans les eaux gambiennes. Avec les années, son épave s’est lentement détériorée, devenant à la fois un tombeau silencieux et un symbole tragique.
⭐Les causes du naufrage : failles multiples
Le naufrage du Joola est le résultat d’une série de défaillances. La surcharge du navire était évidente, avec un nombre de passagers largement supérieur à la capacité prévue. À cela s’ajoutait un fret mal arrimé : véhicules et cargaisons se déplaçaient sous l’effet de la houle, accentuant dangereusement la gîte.
Les conditions météorologiques n’ont rien arrangé. Cette nuit-là, un violent orage tropical accompagné de vents puissants a frappé le ferry, des intempéries pourtant fréquentes en cette saison.
Le navire lui-même souffrait de faiblesses structurelles et d’un entretien insuffisant. Des avaries avaient été signalées par le passé, la dernière visite technique remontait à longtemps, et plusieurs moteurs étaient en mauvais état. Selon certains rapports, un seul fonctionnait encore au moment du départ.
Enfin, des erreurs humaines et organisationnelles se sont ajoutées à ces défaillances techniques. Les enquêtes sénégalaises ont pointé la responsabilité du commandant, qui avait maintenu le voyage malgré les risques, la surcharge et les alertes météorologiques. Mais les responsabilités demeurent contestées. Beaucoup estiment que les manquements s’étendaient bien au-delà du commandement, touchant l’administration, la régulation, la surveillance et même l’organisation des secours.
⭐Les secours, l’après-drame
Les secours n’ont pas été immédiats. Ce sont des pêcheurs en pirogue qui, les premiers, ont repêché des survivants au petit matin. La marine nationale n’est arrivée que plusieurs heures plus tard, une intervention jugée par beaucoup trop tardive.
Le sauvetage s’est révélé extrêmement difficile. Seule une partie des canots de secours a pu être mise à l’eau, souvent avec retard. De nombreux passagers sont restés piégés dans la coque retournée. L’obscurité, le froid et la violence de la mer ont encore réduit leurs chances de survie.

Mémorial du Joola à Ziguinchor
Le 26 septembre 2025 marquera déjà le vingt-troisième anniversaire de cette tragédie…Un musée mémorial situé à Ziguinchor permet de se recueillir pour ne pas oublier. Hommage et pensées aux victimes et à leurs familles.

